[Un jour, une espèce] Le Martinet noir

Mercredi 6 mai, quarante huitième jour de confinement (J -5).  Comme chaque jour, je dois trouver quelque chose d’intelligent à dire, c’est pas facile, mais ce matin, je pense que les fientes de canard en décoction sont un remède miracle contre le Covid ! Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vais vous proposer de vous envoler aujourd’hui avec un oiseau infatigable : le Martinet noir Apus apus.

Attention : comme hier, une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : le jeu de l’oie ne vient pas de la promenade de ces grands anatidés mais de l’Égypte antique, un jeu de -3000 ans a été retrouvé.)

Le nom Martinet noir (petit martin) vient peut-être de l’évêque st Martin ? En allemand Mauersegler (planeur des murs), en anglais Swift (rapide), en espagnol Vencejo comùn (rapide), en italien rondone (rapide).

« En juin et juillet, des cris stridents résonnent matin et soir au-dessus de la ville : les meutes de Martinets noirs foncent autour des maisons et le citadin qui lève la tête ne se lasse pas de suivre leurs poursuites étourdissantes. » Paul Géroudet

Le Martinet noir n’est pas un passereau comme l’hirondelle, il fait partie de la famille des Apodidés. C’est un migrateur, il est chez nous de fin avril à début août. On le voit principalement en ville. Il niche sous les toits ou dans les fissures d’un immeuble… En vol de loin il est tout noir, les ailes en faux, il vole à grande vitesse. De près, il a une petite bavette blanche.

Le Martinet noir est souvent confondu avec l’hirondelle. Physiologiquement, il n’a pourtant rien à voir avec elle et il est beaucoup plus gros. Le martinet est un as de la voltige aérienne, son aérodynamisme lui permet des exploits hors du commun, mais il n’a pratiquement pas de pattes (que des griffes qui lui permettent de s’accrocher aux murs) et ne vient jamais à terre. Vous serez étonnés par ses capacités et de son mode de vie présentés dans cette chronique. Une de ses grandes performances tient dans sa vision exceptionnelle. Il chasse en vol à plus de 70 km/h et, grâce à son acuité visuelle, il repère et happe des insectes minuscules à l’issue de manœuvres aériennes commandées par la vue. Autre particularité : il aménage son nid avec sa salive blanche et collante, qui se solidifie à l’air, c’est d’ailleurs un martinet du sud asiatique (Salangane) qui construit de cette façon les fameux nids d’hirondelles, spécialité culinaire chinoise.

Les cris des martinets, émis en vol, sont stridents et aigus, « sriiiiih…sriiiih…sriiih ». Les acrobaties aériennes des martinets sont exceptionnelles, leur vol est extrêmement rapide, plus de 200 km/h quand en groupes ils se poursuivent par jeu entre les maisons et les câbles aériens qu’ils évitent de façon précise et contrôlée. Le martinet alterne un vol battu très rapide et des planés plus ou moins longs, il se joue du vent et roule de gauche à droite, sur le côté, il vole même sur le dos pendant plusieurs secondes. S’il se retrouve au sol avec une blessure à l’aile, même légère, il est condamné. S’il n’est pas blessé à l’aile, il va réussir à repartir. Pendant les longues soirées d’été, on les voit s’élever de plus en plus haut dans le ciel, profitant des courants ascendants ils montent au-delà de 

2800 mètres pour aller dormir en vol. Il semblerait que, comme certains mammifères marins, ils ne dorment que d’un œil en alternant les zones de repos du cerveau. Ils redescendent à l’aube. Les Martinets noirs sont capables de sentir l’arrivée d’une dépression alors qu’elle est encore bien loin et de l’éviter en la contournant par une espèce de migration temporaire qui peut aller jusqu’à un rayon de plus de 300 km. Quand cependant les conditions climatiques le privent de nourriture, il peut rester plusieurs jours sans manger. Son métabolisme se ralentit alors et l’oiseau rentre dans une espèce de léthargie qui ressemble à l’hibernation.

Les martinets vivent en groupe, ils se nourrissent toujours en vol principalement d’insectes : Diptères, Homoptères, Coléoptères… du plancton aérien en général, ils évitent les guêpes et les abeilles mais capturent les faux bourdons. Les Martinets noirs réoccupent d’année en année les mêmes sites de reproduction, dans l’habitat ancien de nos villes où ils trouvent des cavités pour nicher. La reproduction a lieu en vol, le mâle poursuit la femelle qui se met à voler en planant, le mâle vient alors sur son dos et ils planent ensemble pendant quelques secondes. Le nid est construit avec des matériaux happés par le couple en vol, plumes, brindilles… associés avec la salive gluante des parents. Fin mai ou début juin, la femelle pond le plus souvent 2 œufs. La durée de l’incubation est assez variable, elle dure en moyenne trois semaines. Les deux parents couvent en alternance la journée et se rejoignent la nuit dans le nid. Les jeunes sont nourris par les deux parents pendant presque une cinquantaine de jours. Les parents ramènent au nid des balles d’insectes dans leur gosier qu’ils distribuent aux oisillons. Si un des jeunes tombe au sol, il est abandonné par les parents, incapables de s’en occuper. En cas de mauvais temps, les parents laissent quelquefois les petits plusieurs jours sans nourriture, ils entrent alors dans cette torpeur hibernante décrite plus haut, cela évidemment ralentit le rythme de croissance. À la fin du nourrissage, le jeune martinet pèse une dizaine de grammes de plus que ses parents, ce qui va lui permettre de jeûner quelques jours en apprenant à chasser. Car dès qu’il prend son envol, sa vie sera aérienne, il ne se reposera que pour nicher quand il aura atteint sa majorité sexuelle vers l’âge de trois ou quatre ans. Le pourcentage de réussite des nichées est très dépendant des conditions climatiques, il est en moyenne supérieur à 80 %, mais certaines années, comme l’été 2019 en France où la canicule a sévi, on commence à estimer cette réussite à moins de 20 % (ces chiffres sont identiques pour certains étés froids et pluvieux). Il peut vivre jusqu’à 20 ans, mais l’espérance de vie des Martinets noir est en moyenne de 9 ou 10 ans.

Dès fin juillet ou début août, les martinets vont reprendre leur migration vers le sud. Le voyage va durer quelquefois plus de trois mois, en fonction des conditions climatiques rencontrées et de l’abondance des proies. Au total, ils vont parcourir plus de 10 000 km, en ligne droite, bien plus en réalité, pour arriver au Mozambique ou en Afrique du sud. Ils vont rester alors dans le sud-africain jusque mi-janvier et vont reprendre leur migration vers le nord.

Le Martinet noir est l’un des oiseaux les plus communs et les plus surprenants de notre avifaune. Une menace importante pèse sur lui avec le bâti moderne et la rénovation des bâtiments (isolation, façade, toiture) les privant de la possibilité de nicher. D’autre part, l’impact des pesticides agricoles sur le plancton aérien est une menace pour le martinet qui est un insectivore strict.

Vous pouvez installer des nichoirs à martinets sur les parties hautes de vos habitations (il en existe de nombreux modèles) ou proposer cet équipement aux municipalités, afin de poser des nichoirs multiples sur les hauts bâtiments de la commune.

https://www.oiseaux.net/oiseaux/martinet.noir.html

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, Les passereaux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Didier Plouchard.

A demain avec un canard.

Jean François

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