[Un jour, une espèce] L’Epervier d’Europe

Lundi 30 mars, quatorzième jour de confinement. Samedi vous avez liké la chronique plus de 200 fois, je vous en remercie, je suis très sensible aux flatteries ! Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vous propose aujourd’hui de vous envoler avec un oiseau chasseur : l’épervier d’Europe Accipiter nisus.

Attention : comme hier une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : le Pic décapsuleur, n’existe pas, pourtant ça pourrait être pratique quand on se balade en forêt)

Le nom de l’épervier vient du germanique sparwari, sparw étant le nom du moineau et ari l’aigle ce qui donne l’aigle des moineaux. En Anglais, c’est sparrowhawk sparrow=moineau et hawk=faucon. En italien sparviere, en espagnol gavilan. En patois, on l’appelle Mouquet. (L’épervier est aussi un filet de pêche. Un peu plus jeune, je jouais à l’épervier dans la cour de l’école. Nisus veut dire en latin fainéant. L’épervière est une fleur vivace orangée).

« … il faut avoir l’œil, car il est rapide comme l’éclair en se faufilant entre les branches des arbres et les buissons pour surprendre et happer de ses griffes un oiseau inattentif » Blaising

L’épervier d’Europe fait partie de la famille des Accipitres (pluriel de accipiter), avec l’Autour des palombes et l’élanion blanc (qui pour la première fois a niché dans le Pas-de-Calais l’année dernière). L’épervier est un petit rapace (petit pour le mâle et moyen pour la femelle), à ailes larges et longue queue. Il est sédentaire chez nous et migrateur au Nord de l’Europe.

L’épervier mâle (tiercelet) est plus petit d’un tiers que la femelle : poids moyen 150 g, la femelle pèse en moyenne 260 g, la même poids qu’un pigeon. Le mâle a l’œil jaune devenant rouge avec l’âge, son torse est barré de rouille. La femelle a un sourcil blanc et le torse barré de gris. Tous deux ont des pattes minces.

L’épervier d’Europe, comptant sur la vitesse ou la surprise, chasse en attaquant et poursuivant rapidement sa proie, il prend des virages brusques et zigzague entre les branches des arbres. Ses proies principales, attrapées en vol, sont les passereaux : grives musiciennes, moineaux, fauvettes, mésanges, pinsons… La femelle est capable de prédater des oiseaux plus massifs, comme les Pigeons ramiers ou même les pies. à l’occasion, ils attrapent également de petits mammifères, mulots et campagnols.

Son cousin l’Autour des palombes, quoique deux fois plus gros, lui ressemble beaucoup. C’est très difficile de faire la différence, surtout sur photographies, sans rapport de distance et sans repères de taille. La queue de l’épervier a des coins carrés, arrondis chez l’autour, et les pattes sont plus emplumées et plus épaisses chez l’autour. Souvent, vous nous envoyez des photos et c’est toujours délicat de vous répondre. Sachez cependant que vous avez beaucoup plus de chance de photographier un épervier qu’un autour, ce dernier est plus rare et plus farouche.

L’épervier d’Europe niche dans les bois, les forêts, les bosquets. En chasse, on peut le voir jusqu’en ville dans les parcs ou les jardins, même près des maisons, surtout si vous nourrissez les oiseaux l’hiver. Vous devez malheureusement accepter la prédation de vos convives ailés par l’épervier, c’est la dure loi de la nature, en nourrissant les passereaux vous nourrissez aussi le rapace.

Chaque année au printemps, le couple effectue des parades nuptiales : ils plongent et rebondissent sur le vent, font des piqués ailes fermées à très grande vitesse…  Puis le couple construit un nouveau nid (surtout la femelle), assez haut dans les arbres. Le nid est de facture grossière. En mai, madame pond en moyenne 5 œufs, un œuf tous les 2 jours. La couvée est assez longue, environ 5 semaines à partir du dernier œuf pondu. Après l’éclosion les jeunes sont nourris au nid pendant environ 4 semaines par les deux parents. Après leur envol, les parents continuent de les nourrir pendant presque un mois.

Dans les années 1960 à 1990 l’épervier a failli disparaître à cause du DDT utilisé en agriculture.  DichloroDiphénylTrichloroéthane (on donne à tous ces produits meurtriers des noms imprononçables comme actuellement les néonicotinoïdes, cela doit être stratégique !), un pesticide utilisé comme gaz de combat lors de la première guerre mondiale, qui fragilise chez les rapaces la coquille des œufs et provoque l’échec des couvées. Aujourd’hui le DDT est interdit, et l’épervier a pu recoloniser certains territoires perdus.

Mais ne soyons pas trop optimistes. Le défrichement des terres boisées occasionnant la destruction des habitats de reproduction de l’épervier d’Europe et de leurs proies, s’est accéléré ces dernières années. Et si le DDT est aujourd’hui interdit, de nouvelles molécules comme les néonicotinoïdes l’on remplacé et sont responsables de l’empoisonnement indirect des rapaces. Les petits oiseaux insectivores absorbent, sans les éliminer, de faibles quantités de substances chimiques présentes dans les insectes contaminés. À leur tour, les éperviers ingèrent les résidus d’insecticides présents dans leurs proies. Les néonicotinoïdes se décomposent peu et deviennent de plus en plus concentrés quand on remonte dans la chaîne alimentaire, c’est la bioaccumulation (au bout de la chaîne on trouve l’Homme). L’épervier accumule des quantités nettement plus importantes de résidus d’insecticides que ses proies. Les teneurs de ces toxiques peuvent être suffisamment élevées pour provoquer des dérèglements neurologiques chez les jeunes.

Autre problème : il est malheureusement encore assez fréquent que l’on tire sur les éperviers comme sur les rapaces en général. Les centres de soins recueillent chaque année des oiseaux protégés tirés illégalement. Les oiseaux recueillis ne sont que la face visible de l’iceberg et ne représentent que peu d’individus par rapport à l’importance du braconnage. La majorité des oiseaux tirés sont des rapaces, que l’on ne peut pourtant pas confondre avec des espèces de gibier…

https://cdnfiles1.biolovision.net/www.oiseauxdesjardins.fr/userfiles/Fichesespces/FicheespceEE.pdf

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, les Passereaux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Christophe Deswartvaeger, Didier Plouchard, Serge Larivière.

A demain avec un autre volatile, portez-vous bien.

Jean François

L’erreur : nisus en latin ne veut pas dire fainéant mais efforts. J’avoue c’est assez compliqué, même pour les enfants de chœur. Pour me faire pardonner l’erreur d’aujourd’hui se répète en quelque sorte 2 fois

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