[Un jour, un espèce] La Corneille noire

Jeudi 26 mars, dixième jour de confinement. Encore heureux qu’il fasse beau ! Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vous propose aujourd’hui de vous envoler avec un oiseau mal-aimé : la Corneille noire Corvus corone.

Attention : comme hier une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : évidemment le Rougegorge familier ne mange pas de noix de coco).

Le nom de la corneille vient de l’onomatopée de son chant kor et dérive du latin cornix. En italien cornacchia, en espagnol corneja. En anglais crow et en allemand Krähe. On appelle couramment et par erreur la corneille corbeau.

« … On reconnaît à la Corneille noire, comme aux autres Corvidés, des facultés remarquables de discernement, une psychologie assez développée qui la rende vraiment digne d’intérêt. » P. Géroudet

Il existe plusieurs gros oiseaux noirs (et souvent ils ne sont pas si noirs que ça) : le Corbeau freux que l’on trouve en groupe dans la campagne, la Corneille mantelée qui peut être aperçue quelquefois l’hiver, le Grand corbeau qui est plutôt en montagne. Le plus petit des corvidés noirs habitants de nos contrées est le Choucas des tours. Tous sont des passereaux, comme le Roitelet triple bandeau, plus petit oiseau d’Europe avec ses 5 grammes. Le Grand corbeau qui pèse jusqu’à 3 kilos est quant à lui le plus grand des passereaux, la corneille pèse un peu plus que 500 g.

La Corneille noire est accusée de tous les maux. « Nuisible » elle est persécutée par l’homme. Sa couleur noire, de mauvais augure y est certainement pour beaucoup. Pourtant elle joue un rôle important dans la nature en éliminant les cadavres des animaux qu’elle trouve dans les champs ou sur les routes ainsi qu’en consommant insectes et rongeurs. Elle consomme aussi quelques semences ou quelques poussins, là est son crime ! Alors on la piège, on la tue, on l’empoisonne, on la pend et on expose son gibet dans les champs à titre d’exemple je suppose… (à tenir de tels propos je vais encore me faire traiter de bobo-escrolo !)

Même si son vol paraît pesant et lent, elle atteint 50 km/h, et on la voit attaquer par un vol plané descendant, les oiseaux de proie comme la Buse ou même l’Autour son vieil ennemi. Elles s’y mettent souvent à deux, quelquefois plus et piquent le rapace sur le dos pour le mettre en fuite.

La corneille est omnivore et opportuniste, elle s’adapte aux saisons et a une connaissance très fine de son territoire. Raisins, poires, cerises… sauterelles, diptères, coléoptères… têtards, grenouilles… oiseaux affaiblis, petits mammifères… œufs, poussins (même de rapaces) … dans les champs, dans les décharges, au bord de l’eau… Elle consomme tout ce qui est comestible.

Trois adjectifs peuvent qualifier la corneille : intelligente, taquine et joueuse. Son intelligence est indéniable et bien plus développée que chez d’autres oiseaux. Elle taquine et joue avec ses ennemis et les fait fuir. Elle joue avec la nourriture qu’elle lâche et rattrape en vol. On l’a vu glisser sur le dos dans la neige avec des congénères et remonter ensuite la pente pour recommencer !

A part l’homme, elle n’a pratiquement pas de prédateur. Les prélèvements de l’Autour des palombes, du Hibou grand-duc ou du Faucon pèlerin restent marginaux.

Le couple de corneilles (sauf accident et ils sont fréquents) est uni pour la vie. En mars, à la cime d’un bel arbre avec une belle vue sur les alentours, le mâle et la femelle construisent leur nid volumineux. Monsieur amène les matériaux et madame les dispose. Pratiquement chaque année, ils construisent un nouveau nid. Les anciens nids abandonnés profitent à d’autres espèces comme le Hibou moyen duc ou le Faucon crécerelle… La base du nid est constituée de branches, que le mâle casse sur les arbres alentours, et la coupe est faite de matériaux plus doux : plumes, mousses, tissus, poils, laine… La femelle pond en général 5 œufs, c’est elle seule qui couve pendant 18 jours, le mâle la nourrit. Après l’éclosion le mâle ramène la nourriture pour les jeunes et évacue les fientes, la femelle continue de couver pour garder les jeunes au chaud. À partir de 2 semaines, les deux parents nourrissent les petits. Au départ, la nourriture est exclusivement animale puis au fur et à mesure elle varie et les oisillons commencent à consommer des végétaux. Les jeunes s’envolent vers 5 semaines.

Très commune, la Corneille noire n’est pas pour l’instant menacée. Elle est classée ESOD Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts, en particulier sur les élevages de volailles et on peut la détruire toute l’année. Les chasseurs la tirent, les éleveurs la piègent… Les dégâts qu’elle occasionne sont certainement exagérés. En tout cas, dans les champs, les dégradations de la corneille ne sont pas significatives. Le Corbeau freux en colonie peut quant à lui occasionner des dégâts importants sur les cultures. Mais évidemment on ne fait pas la différence !

La notion de « nuisible » doit évoluer, des solutions alternatives pourraient sans doute être étudiées. Nos comportements face à la nature et la biodiversité doivent changer et évoluer dans le bon sens. Peu à peu, et grâce à la LPO, des combats sont gagnés, la Corneille noire n’est plus considérée comme nuisible dans 2 départements, il ne reste plus que 86 départements à convaincre…

https://cdnfiles1.biolovision.net/www.oiseauxdesjardins.fr/userfiles/Fichesespces/FicheespceCNv2.pdf

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, les Passereaux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Marcel Martel, Didier Plouchard, Serge Larivière, Jean François Pépin.

A demain avec un autre volatile, portez-vous bien.

Jean François

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