[Un jour, une espèce] La Grande Aigrette

Jeudi 30 avril, quarante troisième jour de confinement (J -11). C’est la fin du mois d’Avril, il a égrainé ses journées de façon très particulière, comme dirait Albert le temps est très relatif. Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vais vous proposer de vous envoler aujourd’hui avec un oiseau icône du changement climatique ? la Grande Aigrette Casmerodius albus.

Attention : comme hier, une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : la nature est rude et n’en a rien à faire de la petitesse du roitelet qui est comme toutes les espèces prédaté, et en particulier par l’épervier qui le consomme en encas sans problème).

On l’appelle aussi Aigrette blanche. En allemand c’est Silberreiher (Silber argent et Reiher héron), en anglais great egret (grande aigrette), en italien airone bianco maggiore (grand héron blanc), en espagnol garceta grande (grande aigrette)

« Enfin là-bas, en lisière, un oiseau blanc de neige se détache et se reflète dans l’eau calme. Élégante, pure de ligne, c’est bien la Grande Aigrette. » Paul Géroudet

La Grande Aigrette est un grand échassier de la famille des Ardéidés. Elle fait son nid dans les broussailles ou les roseaux, migratrice partielle, elle ne niche que rarement dans le Pas-de-Calais, plutôt sur la côte picarde. On la voit surtout l’hiver. Elle se nourrit dans les zones inondables et dans les marécages peu profonds. Elle est toute blanche, mesure plus d’un mètre, a de longues pattes noires aux doigts orangés et un long bec, noir en nuptial et tout jaune en inter-nuptial. En vol, elle a les ailes en cloche et un battement lent, son envergure est de plus d’un mètre cinquante. En plumage nuptial, elle a de longues aigrettes sur le dos et sur la nuque qui lui dépasse de la queue.

La Grande Aigrette est extrêmement visible, solitaire, gracieuse et lente, elle évolue à la vue de tous mais ne se laisse pas aborder. Si l’on fait mine de la rejoindre, elle s’envole en poussant quelquefois un « kraaa » aigre et rauque, comme un corbeau enroué, qui témoigne de son mécontentement.

Piscivore, elle se nourrit principalement, en milieu découvert, de poissons (plus de 90 % de son alimentation), mais aussi des insectes, des amphibiens, des reptiles, des écrevisses ou plus rarement des oisillons et certainement quelques micro-mammifères. Comme son cousin le Héron cendré, elle chasse à l’affût ou en marche lente dans l’eau. Elle peut aussi remuer la vase pour capturer les proies enfouies. En chasse, elle ne tolère pas qu’un autre échassier vienne dans le même secteur et a un comportement très agressif.

La reproduction commence en mars/avril, la Grande Aigrette est alors plutôt grégaire et niche en groupes plus ou moins importants. Le couple est monogame, il construit son nid dans des roselières, dans des broussailles ou dans la partie basse des arbres qui surplombe l’eau à une faible hauteur. Le nid fait de branches, de roseaux et de plantes est assez volumineux, un mètre de diamètre et vingt centimètres d’épaisseur. Fin avril début mai en moyenne, 4 œufs, bleus clair, sont pondus. L’incubation qui dure 25 jours est assurée par les deux parents. Les poussins, quoique nidifuges, restent au nid environ 6 semaines et sont nourris par les deux parents. Le pourcentage de réussite de la nidification est d’environ 50 %. L’envol des jeunes se fait vers cinq semaines et les juvéniles sont sexuellement matures dans leur troisième année. La Grande Aigrette a une espérance de vie d’une vingtaine d’années.

La Grande Aigrette connaît depuis une trentaine d’années une spectaculaire expansion géographique. A l’origine, on ne la trouvait qu’en Europe centrale, elle est maintenant fréquente dans nos régions. Elle est passée du statut « rarissime en hivernage » à « commune » et les populations nicheuses sont en progression constante. En 1981, 3 Grandes Aigrettes étaient signalées comme hivernantes en France, en 2000 on estimait la population hivernant à 4 500 aujourd’hui on l’estime à plus de 12 000 ! La première tentative de nidification en France a eu lieu en 1994 sur le lac de Grand-Lieu en Loire Atlantique. Sans doute peut-on expliquer cela par le changement climatique que nous connaissons, mais l’ampleur et rapidité du changement laissent perplexe. On peut désormais l’observer presque partout dans le Pas-de-Calais, elle fait aujourd’hui partie de notre paysage ornithologique, alors que de toute ma jeunesse je ne pense pas avoir vu cet oiseau spectaculaire.

La Grande Aigrette n’est donc pas une espèce menacée. Ça n’a pas toujours été le cas, au début du siècle dernier elle a failli disparaître. Elle était chassée pour récupérer les aigrettes et orner les chapeaux des dames, « victime de la mode, tel est son nom de code… ». Heureusement, les modes ne durent pas !

La situation actuelle des zones humides, l’agriculture intensive et la destruction de son habitat naturel sont cependant une menace pour l’espèce.

https://www.oiseaux.net/oiseaux/grande.aigrette.html

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, Grands échassiers, gallinacés râle d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Didier Plouchard. Christophe Deswartvaeger, Serge Larivière, Jessica Goudal.

A demain avec encore un oiseau tout blanc.

Jean François

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