[Un jour, une espèce] La Grive draine

Jeudi 23 avril, trente huitième jour de confinement. L’aubépine odorante est en fleur, elle embaume les chemins. Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vais vous proposer de vous envoler aujourd’hui avec un oiseau vigoureux : la Grive draine Turdus vicivorus.

Attention : comme hier, une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : le harle, ce beau canard, fait son nid dans les trous des arbres mais pas dans les nids de cigognes).

Le nom de la Grive draine vient du verbe drainer, selon Buffon elle a effectivement l’habitude d’aller chercher dans le fond des ruisseaux et dans les petits cours d’eau du gravier et de la boue pour la construction de son nid. En allemand c’est Misteldrossel (grive du gui), en Anglais mistle-thrush (grive du muguet), en italien tordela.

« Dans l’herbe humide, dispersées çà et là, de grosses Grives sautillent à grands bonds, lèvent obliquement la tête ou piquent dans le sol avec des mouvements saccadés. » Paul Géroudet

La Grive draine moins connue que sa cousine musicienne est beaucoup plus farouche. Migratrice partielle, elle fréquente vergers, parcs, bocages et bois… Elle est omnivore. Plus grande que la musicienne (70 g environ), la draine pèse un peu plus de 110 grammes en moyenne, elle a le dessous blanc piqueté de tâches brunes arrondies y compris sur le bas ventre et le dessus brun gris. En vol, elle a l’avant des ailes blanc.

La Grive draine est assez farouche et toujours prête à fuir, elle se nourrit au sol dans des espaces dégagés : vergers, clairières, pâturages ou dans les arbres et buissons. Tôt le soir, elle regagne des dortoirs communs dans les arbres pour y passer la nuit. Elle se nourrit d’insectes : Coléoptères, chenilles, Diptères, escargots… mais aussi de fruits : cerises, pommes, genévriers, sureaux, aubépines… C’est une grande consommatrice des baies du gui (nom allemand) dont elle contribue beaucoup à la propagation. Elle ne digère que partiellement les baies de gui qu’elle avale entières, puis dépose ses fientes, contenant les graines qui n’ont pas perdu leur potentiel germinatif, sur d’autres arbres qui seront peut-être parasités par le végétal.

Les cris de la draine sont âpres, grinçants et râpeux. Elle chante un peu comme un merle triste, en plus monotone, avec cependant une tonalité plus élevée. Quelques notes flûtées émises du haut d’un arbre. On peut l’entendre toute l’année, mais plus particulièrement de mi-février à avril.

Les couples se forment en fin d’année, le mâle poursuit la femelle dans les arbres. Dès janvier, il chante pour marquer son territoire, les bagarres sont alors fréquentes. La femelle, escortée par le mâle, construit le nid qui ressemble à celui du merle. Fait de brindilles, d’un torchis argileux de lichens et de mousses, il se situe souvent à une bonne hauteur (environ 7 mètres), parfois dans le lierre ou proche du gui. D’autre passereaux, recherchant la protection de la Grive draine, comme le pinson par exemple, nichent volontiers près du nid de celle-ci. En période de nidification, la Grive draine est extrêmement agressive et n’hésite pas à attaquer éperviers, pies et écureuils… qui viennent près du nid ou des jeunes. La ponte a lieu en mars, en général 4 œufs de couleurs variables mais parsemés de points bruns/rouges. Les petits éclosent deux semaines plus tard. Les deux parents nourrissent pendant une quinzaine de jours. Les oisillons sont très remuants et beaucoup de petits tombent du nid. L’agressivité des parents n’est pas totalement efficace contre la prédation. Seule la moitié des oisillons prend son envol. Les couvées de remplacement sont fréquentes. L’âge maximum connu (oiseau bagué) est de 10 ans.

Les populations de Grive draine sont en déclin au niveau national (-37 % entre 2000 et 2010 OFB). Les causes peuvent être multiples : nichant en début d’année, elle est très sensible aux conditions climatiques. La migration hivernale des grives venant de l’Est de l’Europe est très variable. La diminution des friches, des haies, l’homogénéisation des zones de cultures… engendrent un appauvrissement des ressources alimentaires et des possibilités de nidification. Les insecticides détruisent les vers de terre, les limaces, les escargots et les gros insectes dont elle se nourrit.

La Grive draine est chassée, 250 000 d’entre elles sont tuées chaque année (chiffres moyens OFB). Dans le sud de la France, elle est toujours victime de la « chasse traditionnelle » aux gluaux ou à la cabane. L’impact cynégétique est d’autant plus important que la Grive draine nichant tôt dans l’année se reproduit en pleine période de chasse.

Vous pouvez aider la Grive draine en plantant des arbustes à baies et en laissant l’hiver dans un coin tranquille du jardin des pommes et des poires blettes dont elle raffole.

https://cdnfiles1.biolovision.net/www.oiseauxdesjardins.fr/userfiles/Fichesespces/FicheespceGDv2EC.pdf

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, Passeraux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Christophe Deswartvaeger,  Didier Plouchard, Serge Larivière.

A demain avec une chouette.

Jean François

L’erreur  : Le nom draine ne vient pas de drainer, en fait on ne connaît pas son origine étymologique

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