[Un jour, une espèce] La Grive musicienne

Vendredi 10 avril, vingt-cinquième jour de confinement. La décroissance profite à la nature. Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vais vous proposer de vous envoler aujourd’hui avec un oiseau digité : la Grive musicienne Turdus philomelos.

Attention : comme hier une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (l’erreur d’hier : les hirondelles, même celles du Caucase, ne passent pas par le pôle nord pour rejoindre l’Afrique).

Le nom grive viendrait de l’ancien français griu=grec. En allemand Singdrossel « grive qui chante », en anglais Song-thrush, en espagnol zorzal et en italien tordo (tudus).

La Grive musicienne vit dans les parcs, les jardins et les boisements. Sédentaire chez nous, elle est migratrice partielle dans le Nord-Est de l’Europe et vient dans nos régions pour hiverner. Elle est peu farouche, se nourrit d’insectes, de vers, d’escargots et de fruits. Elle a le dessus brun olivâtre, le dessous chamois ponctué de taches brunes digitées. Ses cousines européennes sont : la Grive mauvis, la Grive draine et la Grive litorne.

« Tôt réveillée, elle monte à la cime d’un sapin, se perche à la fine pointe et lance dans le petit jour ses strophes claires au rythme alerte. » Géroudet

Quand elle ne chante pas, la Grive musicienne est très discrète, si on la dérange dans un sous-bois, elle va crier un peu comme le merle, de façon plus discrète, et s’enfuir. Par contre elle chante bien en vue en haut d’un arbre, son chant puissant, qu’elle émet principalement de mars à juin, est fait de parties enchaînées les unes aux autres.  Chaque partie du chant est constituée de sons aigus identiques et répétés. Elle répète deux, trois ou quatre fois la phrase flûtée qu’elle vient d’émettre, c’est d’ailleurs à cela qu’on la reconnaît. Elle chante tard le soir ou tôt le matin, et elle peut chanter un quart d’heure sans s’arrêter.

Côté alimentaire, la grive est une opportuniste comme beaucoup de turdidés. Elle se nourrit d’insectes, myriapodes, limaces… Et surtout d’escargots, si vous trouvez un amas de coquilles près d’une pierre, c’est que la grive s’en sert comme enclume. Elle va y revenir, quelque fois à plusieurs reprises par jour, pour casser les coquilles des gastéropodes. Essayez de l’observer, vous la verrez attraper la coquille par l’ouverture, la frapper sur la pierre pour la casser, extraire le corps de l’escargot, le frotter sur la pierre et l’avaler. C’est aussi une grande consommatrice de fruits : pommes, myrtilles, groseilles, merises, baies du lierre ou de l’aubépine… Elle consomme également des fruits très toxiques pour l’Homme, comme le fusain ou l’if. Si elle en a l’occasion, elle se gave de raisins dont elle raffole, c’est de cette consommation excessive que vient l’expression « saoul comme une grive ». Elle adore aussi se baigner et si vous mettez un réservoir d’eau de quelques centimètres de profondeur, elle y viendra volontiers faire ses ablutions quotidiennes.

Les couples de Grives musiciennes se forment dès janvier, le mâle chante et parade, en gonflant la poitrine, laissant traîner la queue au sol ou en faisant la roue comme un paon. La femelle laisse pendre ses ailes et ouvre grand le bec… En mars, la femelle construit le nid en l’accrochant solidement aux branches d’un arbre, à une faible hauteur (2m en moyenne). L’extérieur est construit avec des brindilles, de la mousse, des feuilles… L’intérieur du nid est maçonné d’un torchis composé de terre, de bois pourris et de salive, ce qui fait que la coupe est parfaitement lisse. Elle pond 4 ou 5 œufs, d’un beau bleu pâle, piqueté de quelques points noirs. La femelle couve pendant une quinzaine de jours, en s’éloignant souvent du nid pour aller se nourrir. Les deux parents nourrissent les jeunes, surtout avec des insectes. Après deux semaines, les oisillons sortent du nid, ils reçoivent encore la becquée pendant une quinzaine de jours. Une seconde couvée a lieu mi-mai.

La mortalité la première année est de 58 %. La grive est victime de la chasse, y compris la chasse à la glu, pratique ignoble encore courante en région méditerranéenne ! Elle est prédatée naturellement par l’autour et l’épervier.

Elle est chassée ou braconnée dans la plupart des pays méditerranéens, principalement en France, en Espagne et en Italie. En France, des modes de chasse barbares et très anciens sont encore légalement pratiqués. La chasse au poste, le chasseur attire l’oiseau avec le chant d’une grive en captivité, dans un affût totalement fermé. Il tire sur les grives attirées par l’appelant. La chasse aux gluaux, il s’agit de capturer la grive sur un bâton enduit de glu fixé dans les arbres. Les enquêtes effectuées par l’OFB (Office Français de la Biodiversité) sur les tableaux de chasse font apparaître un total de plus quatre millions de grives prélevées par saison de chasse.

L’évolution du climat semble défavorable à la Grive Musicienne. La diminution de la couverture forestière et des haies engendre une diminution du nombre de grives dans certaines régions. Dans le Pas-de-Calais, pour l’instant, elle est encore commune et ne semble pas menacée.

Comment aider la grive ? Amis jardiniers, n’utilisez pas d’anti-limaces pour détruire loches et escargots ! La Grive musicienne va s’en charger ! Mettez-lui à disposition une pierre pour casser les coquilles. Vous pouvez aussi aménager vos jardins avec des buissons produisant des petits fruits à l’automne (gui, lierre, aubépine, genévrier, argousier…). Placez de l’eau pour l’été et pour l’hiver laissez traîner des pommes ou des poires blettes.

https://cdnfiles1.biolovision.net/www.oiseauxdesjardins.fr/userfiles/Fichesespces/FicheespceGMcpsv2_2.pdf

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, les Passereaux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Didier Plouchard. Christophe Deswartvaeger, Aurélie Delaval, Geslaw Sellier

A demain avec un autre volatile, portez-vous bien.

Jean François

L’erreur était: la Grive musicienne ne fait pas la roue avec sa queue

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