[Un jour, une espèce] Le Coucou gris

Dimanche 5 avril, vingtième jour de confinement. Aujourd’hui Didier qui nous propose chaque jour de magnifiques photos pour illustrer cette chronique, devait nous emmener dans le bocage des champs pourris de Grévillers et Daphné organisait une sortie dans les marais de Merlimont. Partie remise. Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vais vous proposer de vous envoler aujourd’hui avec un oiseau ayant un mode de vie hors du commun : le Coucou gris Cuculus ganorus. Il m’a salué hier matin dans mon jardin.

Attention : comme hier une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : la Sittelle penduline n’existe pas, il existe bien un oiseau penduline, il s’agit de la Rémiz).

Le coucou ne tient pas son nom d’une horloge mais de son chant. Dans toutes les langues, on va trouver cette origine onomatopéique, en allemand Kuckuck, en anglais cuckoo, en espagnol cuco et en italien cuculo. Il a donné son nom la primevère sauvage qui fleurit quand on entend son chant. Il est à l’origine de plusieurs expressions comme « vieux coucou » ou « remonté comme un coucou » … Le terme de « cocu » semble lui aussi venir de son nom.

Les systématiciens ont classé le coucou dans l’ordre des Cuculiformes. Il est gris, plutôt svelte avec une queue allongée, ce qui le fait ressembler un peu à l’épervier. Il a deux doigts en avant et deux en arrière, il parasite le nid d’autres oiseaux pour y pondre ses œufs et le chant du mâle fait « cou-cou » alors que la femelle fait « glou-glou-glou-glou ». Le Coucou gris n’est chez nous que l’été, il hiverne en Afrique tropicale.

« Entouré de mythes et de légendes, le Coucou est sans doute le plus paradoxal de nos oiseaux, celui qui ne se conforme pas aux règles… » Géroudet

Le coucou chante pour marquer son territoire et pour séduire une femelle. Le chant inné du coucou mâle est caractéristique et puissant, quand il est énervé il répète son chant trois voire quatre fois. La femelle plus discrète émet un trille rigolard et glougloutan. D’un naturel farouche et prudent, il est plus facile à entendre qu’à voir. Quand il voit un humain il se cache et fait beuh…

Les Coucou gris est un solitaire. Insectivore, il se nourrit d’Hémiptère ou de Coléoptères, il est également grand consommateur de chenilles. Il consomme sans problème les chenilles urticantes comme la chenille processionnaire. Les poils urticants ne sont pas digérés, ils se plantent dans la paroi de l’estomac, comme le coucou ne fait rien comme les autres, quand les poils sont trop nombreux dans son estomac, le coucou vomit les vieux tissus de celui-ci et les renouvelle, une sorte de mue interne.

Si le Coucou gris est présent sur un territoire, c’est qu’il y a des nids de passereaux à parasiter. Pour se reproduire, le coucou ne construit pas de nid et n’élève pas sa descendance, il la confie à un autre oiseau en parasitant son nid. Un mode de reproduction peu courant, pas très simple et finalement peu efficace. Il y a moins de femelles que de mâles, la concurrence entre mâles est donc importante.

Pour pondre, la femelle cherche un nid de l’espèce qui l’a élevée, souvent le Pipit farlouse ou la Rousserolle effarvatte, mais aussi le rouge-gorge ou le troglodyte. (Énormément d’espèces peuvent être parasitées : Fauvette des jardins, Rougequeue noir, Bergeronnettes, Accenteurs…). Il lui faut trouver un nid où la ponte a commencé mais qui n’est pas encore couvé. À son approche, les cris d’alarmes fusent et les propriétaires du nid cherchent à chasser l’intruse. Patiente, elle attend l’occasion. Quand celle-ci se présente, elle vole un œuf du nid et pond un œuf à la place. Puis elle part plus loin pour manger l’œuf qu’elle a volé. A partir de ce moment, elle ne s’occupera plus du sort de sa progéniture. Elle ne pond qu’un œuf par nid. Il arrive quelquefois que l’on trouve 2 jeunes coucous dans le nid, ils sont dans ce cas de mères différentes. Il semblerait que les femelles âgées bénéficiant de l’expérience soient plus efficaces dans le parasitisme des nids. Certains passereaux ne se laissent pas abuser, la Fauvette à tête noire rejette l’œuf de coucou du nid, le Pouillot véloce abandonne le nid.

L’œuf pondu est en général plus gros que celui de l’espèce parasitée, il a aussi une coquille plus solide. La couleur de l’œuf pondu correspond à la couleur des œuf parasités. C’est encore un des grands mystères du coucou, comment fait-elle ? Il semblerait cependant que durant toute sa vie, la femelle pondra des œufs identiques.

L’œuf du coucou va toujours éclore avant le reste de la couvée (12 jours après la ponte en général). Dès sa naissance, l’oisillon coucou qui n’est encore qu’une faible créature, irrité (au sens propre du terme, son dos est hypersensible et tout contact à cet endroit est insupportable à l’oisillon) par la présence d’autres œufs va les pousser un à un en dehors du nid.

Une des grandes particularités des oiseaux, bien démontrée par Konrad Lorenz, est qu’ils n’ont pas totalement conscience de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Les parents adoptifs vont nourrir le jeune coucou comme s’il était de leur descendance, et évacuer les sacs fécaux. Même si l’oisillon est bien plus gros qu’eux. Le jeune coucou va rester au nid environ trois semaines. Quand il quitte le nid, les parents continuent à le nourrir pendant plusieurs semaines encore.

Il ne faut porter sur la reproduction du Coucou gris aucun jugement humain ou sentimental. La loi suprême de la perpétuation de l’espèce a fait évoluer le coucou vers ce mode de reproduction, c’est tout. Cette façon de se reproduire n’est sans doute pas la plus efficace. Des études ont démontré que la femelle coucou pond environ 9 œufs par saison, et que seuls 2 jeunes sont capables d’effectuer leur migration.

Dès juillet, quelque fois plus tôt, les coucous adultes migrent vers l’Afrique équatoriale. Ils ne sont venus que 3 mois chez nous, juste pour la reproduction. Les jeunes quant à eux partent seul, quelquefois bien plus tard. Ils descendent jusqu’à Gibraltar, traversent le détroit puis le désert, puis ils arrivent enfin sur le lieu d’hivernage avec pour guide uniquement leur instinct.

Le Coucou gris est très commun. Cependant il est très difficile de l’observer et d’effectuer des comptages précis. La migration est une épreuve difficile et comme beaucoup d’autres oiseaux, le coucou est chassé par l’homme au nord de l’Afrique. Chez nous il est menacé par la disparition des milieux qui lui sont favorables et la baisse générale du nombre d’oiseaux nuit à sa reproduction. La diminution des insectes due à l’utilisation intensive d’insecticides lui est également très défavorable.

https://www.oiseaux.net/oiseaux/coucou.gris.html

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, les Passereaux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Christophe Deswartvaeger. Didier Plouchard, Aurélie Delaval, Serge Larivière.

A demain avec un autre volatile, portez-vous bien.

Jean François

L’erreur: Le coucou ne fait pas « beuh » quand il se cache

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