[Un jour, une espèce] Le Héron cendré

Dimanche 26 avril, quarantième jour de confinement. Je ne supporte ni les règlements, ni les interdictions, (même si, bon citoyen, je respecte) en ce moment je suis servi ! Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vais vous proposer de vous envoler aujourd’hui avec un oiseau pas tapon : le Héron cendré Area cinerea.

Attention : comme hier, une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : Le soir la linotte ne rejoint pas le bord de l’eau pour y passer la nuit mais les buissons et les haies).

Le nom du Héron cendré vient du germanique hraigron. En allemand Fischreiher (héron des poissons), en anglais grey héron (grey=gris), en italien airone cenerino, en espagnol garza real (le roi des hérons).

« Mais oui, ce sont eux, ces pilotis plantés en désordre là-bas au bord de la rigole -une vingtaine de silhouettes pétrifiées-, la plupart en équilibre sur une jambe, renfrognant tête et bec entre leurs épaules. » Paul Géroudet

Le héron au long bec, emmanché d’un long cou… (ceci dit La Fontaine aurait dû prendre quelques cours d’ornithologie), fait partie de la famille des Ardéidés. Il vit en colonie ou seul, toujours près de l’eau. Il chasse à l’affût, immobile, les pattes dans l’élément liquide. Sédentaire chez nous (sauf quand il gèle beaucoup et longtemps), migrateur dans l’Est. Il fait son nid dans les arbres. Grand et robuste, le bec en poignard, un long cou à ressort, un regard de tueur, de longues pattes jaunes, le Héron cendré est un grand prédateur. La couleur de son plumage va du gris au blanc, il vole le cou replié. Dans l’antiquité, il était vénéré en Égypte pour accompagner les crues du Nil, il était symbole de résurrection et annonciateur de bonnes nouvelles.

L’alimentation du Héron cendré est principalement composée de poissons. Il en consomme en moyenne 330 g par jour. Il s’attaque principalement aux espèces les plus abondantes et faciles à attraper : les poissons malades et les plus lents… Comme tous les prédateurs, le héron contribue à l’équilibre des cheptels piscicoles et à la bonne santé des zones humides. Opportuniste, beaucoup d’autres espèces font l’appoint et se retrouvent à son menu : couleuvres, insectes, mollusques (limaces -La Fontaine-), micro-mammifères, taupes, poussins… Il est aussi charognard, il mange les poissons, les mammifères ou les oiseaux d’eau qu’il retrouve morts… Dans l’eau peu profonde, il chasse à l’affût, attentif et immobile, il fixe sa proie et la poignarde d’un geste vif comme l’éclair.

Le Héron cendré niche dans les héronnières composées de grands arbres robustes. Il est monogame, mais change de partenaire chaque année. Le nid, propriété du mâle, est rechargé pour chaque couvaison. La héronnière compte quelquefois plusieurs dizaines de nids occupés par moult espèces : spatules, cormorans, cigognes, aigrettes… Avec en plus les passereaux qui occupent en sous location les nids des échassiers. Les plus gros en haut, les plus petits dans les étages inférieurs. Le Héron cendré se retrouve juste en dessous des cigognes. Le mâle revient en début d’année sur son nid, celui-ci est quelquefois convoité par un autre, s’en suivent disputes, intimidations et bagarres. Le groupe est hiérarchisé, les dominants occupent les meilleures places et les plus jeunes, souvent, sont obligés de construire un nouveau nid. Le mâle parade bruyamment, gonflant ses plumes tendant le cou et pointant son bec vers le ciel avant de s’asseoir dans le nid et de se relever pour recommencer la parade. Quand la femelle intéressée vient rejoindre le mâle, c’est courbettes, révérences et lissages de plumes. Puis le mâle ramène au nid les branches que madame assemble. En mars, les œufs bleus/verts, souvent quatre, sont pondus avec des intervalles de deux à quatre jours. L’incubation dure 25 jours, les deux parents couvent et se relaient pour chasser. Après l’éclosion, les parents continuent à couver pendant trois semaines pour les protéger principalement de la pluie. Les deux parents nourrissent en régurgitant la nourriture dans le nid. Les prédateurs sont nombreux : corvidés, martres… et le renard qui, par jour de grand vent, vient saisir l’occasion d’un œuf ou d’un petit tombé du nid. à 50 jours, les petits hérons s’envolent mais reviennent au nid pour se faire nourrir, jusqu’à l’âge de 10 semaines. À trois mois, ils prennent leur indépendance. Le succès de la reproduction est très variable en fonction des conditions climatiques, et varient considérablement d’une année à l’autre, en moyenne 2 jeunes sont à l’envol. Le Héron cendré peut vivre jusqu’à 50 ans.

Le Héron cendré, depuis 1974 et la protection totale dont il bénéficie, se porte bien, alors qu’il avait failli disparaître. Aujourd’hui, l’espèce est devenue commune, mais les populations n’ont pas explosé comme certains humains de mauvais augure le prévoyaient. Le bon statut de conservation de l’espèce ne doit pas masquer les menaces potentielles. Il nous faut quand même être très attentifs à la préservation de son habitat naturel et à la conservation des zones humides. Les espèces nidifiant dans les héronnières sont très sensibles au dérangement, même si elles sont souvent voyantes et bruyantes, gardez vos distances.

https://www.oiseaux.net/oiseaux/heron.cendre.html

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, Les Passereaux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Didier Plouchard. Christophe Deswartvaeger, Jessica Goudal, Serge Larivière.

A demain avec un oiseau à longue queue.

Jean François

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