[Un jour, une espèce] L’Effraie des clochers

Mardi 28 avril, quarante et unième jour de confinement (J -13). Les coquelicots commencent à fleurir dans les champs. Nous voulons toujours plus de coquelicots ! Il nous reste quelques oiseaux !

Comme il faut bien s’occuper, je vais vous proposer de vous envoler aujourd’hui avec un oiseau sage : l’Effraie des clochers Tyto alba.

Attention : comme hier, une erreur malencontreuse s’est glissée dans le texte, saurez-vous la trouver ? (L’erreur d’hier : On n’appelle pas la Mésange à longue queue poupette, par contre tupinet c’est vrai).

L’Effraie des clochers fait peur et elle vit dans les clochers. En anglais barn-owl (chouette des granges), en italien barbagianni (Jeannot à la barbe) en allemand Schleiereule (chouette au voile) et en espagnol lechuza comùn (chouette commune). On l’appelle aussi Chouette effraie. Un caractère en hiéroglyphe égyptien la représente.

« Des ronflements étranges dans le galetas d’une bâtisse, parois un cri sinistre au cœur de la nuit ou le passage d’une vague silhouette blafarde dans l’obscurité – que faut-il de plus pour que germe une histoire de maison hanté et de revenants ? » Paul Géroudet

L’Effraie des clochers, de la famille des Strigiformes, est un rapace nocturne de taille moyenne. Elle niche dans les bâtiments : greniers, granges, clochers… Elle est sédentaire et se nourrit essentiellement de petits mammifères. L’effraie est blanche dessous, rousse tacheté dessus, elle a la face en forme de cœur.

L’Effraie des clochers a une excellente ouïe, elle possède 95 000 neurones responsables de l’audition (la corneille, plus lourde que l’effraie, en possède 27 000). Son disque facial concentre les sons vers les orifices auditifs, décalés verticalement ils lui permettent d’avoir une audition 3D et de situer avec précision la proie. La vue de l’effraie est particulièrement adaptée à la vision nocturne, mais elle est relativement myope de très près. L’Effraie des clochers a les yeux fixes mais trois vertèbres cervicales en plus, ce qui lui permet de tourner la tête à 180°. En résumé, l’effraie repère sa proie à l’ouïe, elle définit précisément sa position, vole à vue (en silence) vers la proie, la situe très précisément à l’ouïe et la tue sur le coup à l’aide de ses serres.

Les pelotes de l’Effraie des clochers, de couleur bleue, sont relativement grosses et consistantes. Elles sont présentes en abondance près des sites de nidification. La consommation quotidienne moyenne est de 100 g mais les variations sont importantes selon la saison et la quantité de proies. L’analyse des pelotes met en évidence une consommation importante de petits mammifères : campagnols, musaraignes, mulots, taupes… qui représentent près de 90 % de son alimentation. Le reste est principalement composé d’oiseaux, mais aussi de grenouilles, d’insectes, de chauves-souris… L’importante consommation de micro-mammifères en fait un grand auxiliaire des agriculteurs qui lui doivent donc respect et protection.

La chouette effraie émet un grand nombre de cris. Ronflements, sifflements, chuintements… Elle pousse aussi des cris stridents et aigus, comme dans les films de vampires. Quand elle est stressée, elle souffle et elle claque du bec.

À l’origine, l’effraie nichait dans les cavités des falaises ou dans les trous des arbres. Elle est maintenant très inféodée à nos bâtiments : églises, granges, vieilles bâtisses. Elle a besoin pour nicher d’espace, d’obscurité et de hauteur. Les couples très unis sont fidèles au lieu de nidification. Il n’y a pas vraiment de parade amoureuse, le mâle fait quand même quelques offrandes à la femelle mais ça semble se limiter à cela. Les pontes ont lieu généralement début avril, une seconde ponte éventuelle en juillet. Mais des témoignages ont signalé des possibilités de nichées pendant presque toute l’année. En général 4 à 6 œufs (quelque fois rien et jusqu’à 18 en fonction de la nourriture disponible) sont pondus à deux ou trois jours d’intervalle. Les œufs sont blancs, plutôt allongés. L’incubation dure 32 jours en moyenne, la femelle seule couve dès le premier œuf, elle est alimentée par le mâle. Les deux parents vont nourrir les petits qui sortent du nid au bout de 8 semaines. En cas d’abondance, toutes les proies ramenées au nid ne sont pas mangées et pourrissent dans le nid (sans provoquer semble-t-il d’infection). A l’inverse, les mauvaise années les cadets sont sacrifiés et mangés. Les jeunes effraies sont totalement indépendantes au bout de trois mois. Le taux de réussite de la couvée, très variable selon les années, est en moyenne de 60 %. En général, les jeunes restent dans la région où ils sont nés, mais des cas de déplacements importants existent. Une effraie baguée dans le Pas-de-Calais a été reprise au Brandebourg, pas très loin de Berlin, à 800 km.

Les populations d’effraie sont fluctuantes mais globalement elles ont largement décliné. L’Effraie des clochers est très fréquemment victime de collision avec des véhicules. La pénurie de nourriture lui est souvent fatale, elle n’a que peu de réserves de graisse. Un des gros problèmes de l’Effraie des clocher est la perte de lieux de nidification. La fermeture des clochers avec du grillage, pour éviter les pigeons, est un gros problème pour elle. Le Parc Régional des Caps et Marais d’Opale et la LPO62 ont posé une soixantaine de nichoirs à effraie dans des granges ou dans des clochers pour pallier ce problème. La conversion des près en terre à labour la prive de territoire de chasse. Elle est également victime d’empoisonnement : bromadiolone, chlorophacinone… utilisés pour éliminer les « nuisibles » et bien sur les produits phytosanitaires, les rapaces sont au bout de la chaîne alimentaire.

https://www.oiseaux.net/oiseaux/effraie.des.clochers.html

Sources : Guide ornitho, La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter, Les Passereaux d’Europe de Paul Géroudet, Oiseaux.net.

Crédit photo : Didier Plouchard. Christophe Deswartvaeger.

A demain avec un oiseau huppé.

Jean François

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